28.7.08

Bouche affamée




C'est un drôle de jeu.
A la poursuite de tous ces pas qui s'élancent en tout sens, s'interfèrent, s'entrechoquent.
Des profils en profusions, un chahut d'expressions.
J'attends l'impact avec cet inconnu qui tente de dissimuler sa curiosité, ce passager des routes toutes tracées.
Sache que je suis ma propre nocivité.
Je suis un vide comme une bouche affamée.
Je suis l'abondance, le surpoids, cette grosse masse qui se construira sur ton fouillis, ces objets laissés en liberté, toutes ces marques qui dévoileront sous une lumière bavarde, quelques échantillons de ton identité.
Tout compte fait, tu verras, je n'aurais fait que passer.

Toutes les volontés de Morphée




Elle avait trouvé un plan de sortie. Elle irait ou elle mourrait. C'était devenu aussi définitif. Il lui fallait organiser point par point chaque option, c'était comme creuser des tunnels à la manière des fugitifs. Ce plan devait fonctionner coûte que coûte.
Elle les avait rêvé ces plaines bleues froides valloneuses.
Elle montait descendait de ses petits pas qui ne craignent rien, c'était une enfant. Accompagnée d'un groupe de cinq autres modèles réduits, elle se retrouva subitement immergée au beau milieu de cet horizon nu. Son visage scrutant les airs, il fût surpris par une lumière pleine, ronde et colorée. Ces chaudes caresses conduisaient son esprit vers un état de douce euphorie.
Plus elle avançait, plus la beauté virginale de l'espace l'écartait de la réalité, ça ne pouvait tout bonnement pas être vrai, cette lumière, cette fragilité terrienne.
Chacun a son rythme goûtait cette marche sans l'ombre d'une angoisse, ils étaient seuls, perdus mais ici, la liberté prenait le dessus sur toute autre émotion. Ces petits survivants poursuivirent leur chemin sans qu'aucun n'ose prendre la parole de peur de troubler la plénitude, l'ordre sacré dans lequel ils baignaient.
Juste avant que son réveil ne l'empoigne hors de ce décor, ils tombèrent sur un refuge. C'était encore l'aube et ses occupants, des orphelins comme eux étaient encore assoupis. Une marmite stationnait sous le proche du refuge. Ils décidèrent alors de partager ensemble un repas. Aux premiers signes d'éveil, ils iront demander l'asile mais aucune crainte ne semblait se ressentir. Ils le savaient, le hasard n'existait pas.
D'où ils venaient, ils en étaient incapable de se le rappeler, où ils allaient, seul l'instinct leur donnait réponse. Cet abri noyé dans ce désert de glace était donc leur maison d'accueil.
Les premières fumées se dégagèrent de la marmite. La perspective d'un repas comblait toute attente. Et c'est lorsque qu'elle jeta trois crabes dans le bouillon que ses yeux s'ouvrirent.

Ce n'était pas qu'un rêve, tout ce qui venait de se dérouler était aussi réel que ce lit dans lequel elle avait été parachuté, que cette ville qu'elle allait devoir traverser, ce quotidien bitumeux qui n'allait de nouveau pas l'épargner.
Son sommeil l'avait conduit au dialogue avec son intérieur primitif. Elle comprit à son réveil le réel sens du mot liberté.