5.4.09

nocturne agitée

Il est trois heures.
J’avance tout droit le long des rues noyées sous une pluie froide. Mes pas claquent sur le bitume humide et laissent retentir à travers les façades de volets fermés les échos en saccade de ma marche inépuisable.
Je erre et vacille défiant le lourd silence étouffant les ronflements inaudibles des habitants endormis.
Impossible de mettre la main sur ma raison, peut-être dissimulée quelque part derrière les chemins et les constructions en rempart d’un labyrinthe qui ne semble jamais pouvoir prendre fin.
A ces heures sombres, toutes les rues se confondent et ne dévoilent leur singularité qu’à travers les lumières blafardes de quelques lampadaires. Ces petits soleils artificiels des nuits qui forment dans l’obscurité creuse du ciel, comme des petites billes lumineuses.
Me voilà tournant à un carrefour, traînant mes membres lourds et cherchant le long des trottoirs quelque chose, quelqu’un, le reflet d’un espoir.
Je connais trop par coeur la solitude, la colère noire, les humeurs sombres et la tristesse féconde. Je suis venu trouer la nuit et jeter sur mon passage, tous les cris de rage restés bloqués, toutes ces manies qui se refusent au partage.
Douleur qui grandit, incisive, ardente, une boule de feu dans le ventre.
Elle secoue à l’intérieur de mon corps endolori, des sacs de nerfs emmêlés tout prêts à exploser.
Je passe le grilles des commerces fermés, contourne les pas de quelques passants pressés. L’heure n’est pas celle des paisibles blalades, ces flâneries baignant dans l’insouciance mais celle des hommes insatisfaits, cherchant à travers l’errance, un petit carré de paix, un pansement pour couvrir leurs plaies.
L’heure est celle des animaux égarés, perdus dans cette jungle urbaine dans laquelle prend forme trop de bizarrerie humaine.
Ce sont des heures amputées par l’obscurité qui nous font tous étrangers.
Voilà, c’est bien ce soir, ici qu’être étranger m’est le moins insupportable.
Parce-que la plus profonde solitude ne se trouve pas dans un desert, dans une forêt ou sur une île perdue en mer, mais bien dans les recoins et impasses de cette ville.
Il y en a en moi, cachée derrière mon anonymat et accompagnée par une folie qui aimerait laisser expulser ses délirs loin des regards accusateurs et des rires moqueurs de tous ces “bien-pensants” usant de principes gerbants pour nous retenir sous leur captivité.
Voilà pourquoi moi, je préfère mes trottoirs mouillés, cette pluie qui dégouline de mes cheveux et cet indélébile cafard.
Oui je les préfère à ces moutons bavards qui puent l’ennui et qui n’accèdent à la liberté qu’à travers des rêves nichés sous leurs draps douillets.
On dit que la liberté a un prix. S’ils étaient là près de moi sur ces trottoirs, ils me pointeraient surement du doigt et feraient de moi un animal à enfermer. Mais heureusement la nuit les a chassés et ils sont désormais trop occupés à rêver.
Alors je marche, je marche. La pluis glisse sur mon front sans perturber mon agitation. Je me détourne des poteaux, chevauche les caniveaux inondés. Je vais comme une corde cassée en vibration et lance mes dissonances dans les rues désertées.
Je vais le cerveau plein de pensées sans relation. Je défie le vide de mes pas en accéleration. Je n’ai nul part où aller et pourtant je vais, je marche, sans que rien ne puisse m’arrêter à la tâche.

6 commentaires:

pop corn a dit…

En fait dans cette aventure textes/images j'entrevois un livre. Livre à faire. Je m'occupe d'une collection numérique qui est entrain de se mettre en place via publie.net, quelques chantiers en cours déjà, ça vous tente?
On devrait dans quelques semaines pouvoir mettre en ligne un portfolio de Lukas Hoffmann, c'est lui qui m'a suggéré votre nom.
JL

tinemfou a dit…

Ce serait avec le plus grand plaisir. Cela dit il me manque de quoi vous contacter... J'en parlerai à Lukas qui saura sûrement m'en dire plus...

A bientôt je l'éspère,

Nathalie

Unknown a dit…

ya du talent ici,
formidable, à quand ce livre????
et surtout ne t'arrête jamais d'écrire!!!!

Unknown a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anonyme a dit…

A quand la suite?

Anonyme a dit…

beaucoup appris